La peur

La peur

Un handrail, c’est une barre en métal sur laquelle tu glisses ta planche.
Quand je faisais du snowboard, je prenais assez facilement un « rail ». La différence d’adhésion entre la neige et le métal crée un instant d’instabilité vertigineux. Tu passes de « fffff » (sur la neige) à « zzzzz » (sur le métal). L’acier ça glisse deux fois plus vite que la poudre. C’est flippant et grisant. Si tu tombes, c’est sur la neige.
La je suis face à un handrail. Sur du béton. L’acier et le béton, ça donne pas très envie de tomber.
Puis faut aller vite. Pas de demi-mesure.

Putain, c’est déconné.
Non.
Je vais m’éclater la gueule.
Me peter les couilles sur la barre en métal
ou les dents
ou les couilles sur le rail ET les poignets sur le béton. Bingo. la totale.
Sprotch et clack. Hosto. et castrasto.
Y a pas des protèges couilles?

J’ai plus l’age de ces conneries.

Je l’avoue, j’ai peur. J’ose pas. Je rigole un peu avec un Gil qui m’accompagne. Tu le fais? Pff, j’sais pas.

La peur. Elle te fige.
Quand tu fais ton premier drop. Tes genoux tremblent avant de plonger dans la courbe de la rampe. Et en bas, tu exultes (intérieurement). « Je l’ai fait ».
Quand tu te lances dans une nouvelle figure, la peur est là. Sur ton épaule. Elle te regarde. Elle te dit « t’es sur? ». Puis tu y vas.

Si j’écoutais ma peur, si je lui obéissais, j’aurais jamais rentré aucune trick.
La peur te donne un signal d’avertissement. Tu vas vers l’inconnu. Tu es en train de dépasser tes limites.
Si tu veux progresser, tu dois écouter ta peur, mais pas lui obéir. La est toute la différence entre la peur et la panique.
La peur, elle te prévient. Puis tu le fais. Avec tous tes sens en éveil. L’attention au max. Mais tu le fais.
La panique elle te fige et tu ne fais plus rien.
Ne pas apprendre à être maître de sa peur mène à la panique et à l’angoisse et à l’immobilisme. Faut-il obéir à sa peur?
Je suis fasciné par le taux d’obéissance des citoyens bruxellois face à la menace terroriste de ces dernières semaines.
Je ne sais pas qu’elle est la probabilité de mourir d’un attentat à l’explosif, mais à mon avis, c’est ridiculement bas.
Ne pas apprendre à domestiquer sa peur empêche d’être maître de soi.
« Everyday do something that scares you ». Apprendre à écouter sa peur, mais également à la surpasser.

Pour finir, je l’ai fait, mon handrail. Je l’ai foiré un peu, mais je ne suis ni mort, ni castré, ni édenté. J’ai sauté de ma planche. J’ai reessayé dix ou vingt fois…avant de le réussir.

Une réflexion sur “La peur

  1. Joli texte, c’est vrai que la peur à nos ages est omniprésente.
    Due au fait qu’on est moins souple, qu’on est raisonnable, qu’on bosse, qu’on a des gosses, qu’on est responsable contrairement à 15 ans où on s’en fiche.
    Moi c’est la peur des rampes, mais à chaque fois que je réussi à la descendre c’est ok, la 1ère fois est toujours la pire.
    Mes enfants se posent bien moins de questions, ils se lancent!

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